Iran : y aurait-il du nouveau dans la FSM?

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Après le congrès confédéral CGT, et notamment suite à l’intervention de Mme Sara Selami, militante iranienne réfugiée en France, qui a ému me congrès (voir ici : https://wp.me/p6Uf5o-5rR). Elle n’a pas mâché ses mots sur le comportement des dirigeants de la Fédération syndicale mondiale (FSM) à Téhéran. Suite à cela, cinq responsables de fédérations CGT ont écrit au secrétariat de la FSM pour avoir des éléments de réponses. Leur lettre a été rendue publique, nous la mettons à disposition ci-dessous. La réponse tarde encore. Pour rompre le suspense, Jean-Marie Pernot (chercheur sur le syndicalisme international)  les interpelle.

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  • Télécharger la lettre des cinq secrétaires généraux au secrétaire général de la FSM : cinq FD CGT- 20230503_Courrier_Iran_a_la_FSM
  • Extrait de la fin de la lettre : « ….Tu comprendras cher camarade que de telles calomnies ne peuvent rester impunies car cette intervention a fait grand bruit parmi les congressistes et en a déstabilisé quelques-uns. Nous tenions a t’informer de cette attaque grave et te demandons une réaction officielle de la  FSM…« .

 

Vont-ils encore longtemps nous prendre pour des imbéciles ?

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Le 3 mai dernier les secrétaires généraux de cinq organisations de la CGT ont fait connaître le courrier qu’ils venaient d’envoyer au Secrétaire général de la FSM, organisation dont leur structure est adhérente : la Fédération du commerce et des services, celle de la Chimie et les Unions départementales des Bouches du Rhône, du Val de Marne et du Tarn et Garonne.

Ils demandent dans cette lettre ouverte au SG de la FSM une réponse officielle à l’intervention de Mme Sara Selami membre de l’association « Solidarités socialistes avec les travailleurs d’Iran » lors du 53° congrès confédéral de la CGT le 30 mars. Elle avait en effet souligné l’absence totale de réaction de la FSM face à la répression qui frappe le peuple iranien depuis plusieurs semaines, ce qui n’était pas une première puisque les grandes vagues de répression antérieures avaient connu le même silence de cette même FSM. La camarade Selami en a d’ailleurs donné la raison que nous avons déjà évoqué sur ce blog : le président de la « Maison des travailleurs » d’Iran, seul « représentant des travailleurs » reconnu par le régime, est membre du Conseil présidentiel de la FSM et même vice-président de celle-ci ; la dite FSM n’a jamais émis la moindre réserve vis-à-vis de la répression quotidienne des syndicalistes pas plus que face à la violence contre le peuple iranien en 2018-2019 et aujourd’hui.

Ces cinq responsables ont été émus, disent-ils, par les réactions provoquées auprès des délégués au congrès. Ils parlent de diffamation et de « calomnies qui ne peuvent pas restées impunies ». Étrange formule au passage : Sara Selami devrait-elle être condamnée à mort comme les 550 personnes tuées par le régime des mollahs depuis le début du mouvement ?

Que n’ont-ils démenti ces assertions lors du congrès puisqu’ils sont eux-mêmes adhérents de cette organisation ? Il y avait à ce moment-là dans la salle du congrès au moins deux personnes très qualifiées pour exposer la position de la FSM sur l’Iran : Matthieu Bolle Reddat, délégué des cheminots de Versailles mais aussi membre du secrétariat de la FSM ; il y avait également Julien Huck, secrétaire général de la fédération de l’Agroalimentaire et aussi membre du Conseil présidentiel de la FSM, c’est-à-dire qu’il siège régulièrement à côté de M. Ali Reza Majoub, représentant de la « Maison des travailleurs » d’Iran déjà citée. Voilà deux personnes qui sont des dirigeants de la FSM et donc bien placées pour éclairer le congrès et éventuellement démentir les propos de Mme Selami. Ils ne l’ont pas fait pour la raison simple que ce qu’elle a dit est la stricte vérité. Ce n’est pas la première fois qu’un militant iranien s’adresse au congrès de la CGT : lors du 52° congrès, en 2019, M. Reza Shahabi, responsable du syndicat indépendant des transports de Téhéran (et à ce titre emprisonné pendant six ans) avait décrit la condition de l’activité syndicale en Iran, il aurait pu ajouter la façon dont son syndicat avait été réprimée par les services de sécurité et notamment par Ali Reza Majoub, aujourd’hui vice-président de la FSM ; il est vrai que Shahabi n’avait pas parlé de la FSM, et donc tout le monde a pu applaudir sans réserve.

C’e n’est pas la première fois non plus que la FSM est interpellée sur le soutien qu’elle apporte au régime iranien, que ce soit par son silence ou la présence significative de Majoub à son Conseil présidentiel : en 2007, dans une lettre ouverte, l’Alliance internationale de soutien aux travailleurs d’Iran avait interpellé la FSM sur le sujet et, en 2016, la même organisation avait rappelé le rôle de Majoub et ses acolytes du régime dans la répression de toute activité syndicale en Iran (Voir Syndicollectif, La FSM et le régime d’Iran | Syndicollectif). Rappelons en outre qu’au plus fort de la répression iranienne en novembre 2019, la FSM a tenu son Conseil présidentiel… à Téhéran.

Les cinq responsables qui ont signé cette lettre veulent donc nous faire croire qu’ils ne savent pas tout cela ? Ils sont conduits aujourd’hui à réagir parce que des militants de leurs fédérations ou de leurs UD, présents aux congrès ou ayant entendu la camarade Selami par Internet, ont pu découvrir un aspect de cette organisation qu’on leur a vendue comme « le syndicalisme de classe » mais dont en réalité, ils ne savent rien. On les renvoie donc aux articles déjà cités ainsi qu’à nos deux contributions récentes : « La FSM soutient la répression du peuple iranien » (https://wp.me/p6Uf5o-5nD); et « De quoi la FSM est-elle le nom ? » (https://wp.me/p6Uf5o-5pO). Il n’y a pas que la soi-disant « Maison des travailleurs » d’Iran qui pose problème : les « syndicats » syriens imbriqués dans le système Assad, la confédération égyptienne alliée de Al Sissi après avoir été celle de Moubarak, et d’autres encore. Toutes ces organisations sont représentées par leurs plus hauts dignitaires dans les instances dirigeantes de la FSM.

Alors pendant combien de temps les responsables de ces structures vont-ils nous prendre (et prendre leurs adhérents) pour des imbéciles ? Il est temps qu’ils assument leur choix, temps peut-être aussi d’en changer. Quand on sait le rôle que la CGT a joué dans la défense et le recouvrement des libertés dans notre pays, l’appartenance d’unions départementales et de fédérations à la FSM constitue une injure à l’histoire de la CGT.

En tous cas, on attend avec curiosité les démentis du Secrétariat général de la FSM …

Jean-Marie Pernot

27 mai 2023.

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