Services publics : une interview de Michel Jallamion

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Michel Jallamion est le président de Convergence nationale des collectifs de défense et de développement des services publics, qui fonctionne depuis 2005 selon le « tryptique » : syndicats, associations, élu-es et forces politiques. Il est interviewé par IN magazine, la revue de l’INDECOSA-CGT (structure CGT agissant sur les questions de consommation et de mode de vie). Il aborde la question des antennes de France Services, qui tendent à remplacer de vrais services publics.

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MICHEL JALLAMION

« On appelle guichet unique ce qui n’est qu’une entrée numérique unique »

 

 

 

IN : Voyez-vous un lien entre la fermeture de nombreuses antennes de services publics et l’arrivée des espaces France Services ?

Michel Jallamion : La corrélation saute aux yeux. On ouvre ces structures où les services publics n’existent plus. Quand ils existent encore, on ne peut que redouter leur disparition. Comment des guichets de premier niveau accéderont au deuxième niveau si celui-ci a disparu ? À Convergence, nous luttons pour que les services publics soient implantés le plus largement possible. De nombreux besoins ne sont plus couverts dans les territoires. Le seront-ils mieux si la seule proposition pour les remplacer est un ordinateur et une souris?

 

IN : Mais quand il n’y a plus rien, un petit quelque chose n’est-il pas mieux que rien du tout ?

M.J. : On parle de guichet unique, mais ce n’est même pas un guichet, c’est une entrée numérique unique avec des agents non spécialisés qui amorcent une démarche en ligne vers différentes administrations. J’observe que les France Services labellisés sont souvent des structures préexistantes, comme les bureaux de poste ou les « Pimms » (points d’information et médiation multiser- vices), financés par de grands groupes privés et qui n’ont jamais véritablement fait leurs preuves, servant en fait plus à réduire les contentieux qu’à satisfaire les besoins des usagers.

 

IN : Réduire la fracture numérique, ce n’est pas une bonne nouvelle ?

M.J. : Il faut commencer par s’interroger sur le sens et les conséquences de l’informatisation accélérée des services publics. Elle a pour résultat de reporter le travail de l’agent sur l’usager rendu ainsi responsable d’éventuelles erreurs. En cas de problème, plus d’indemnisation. De plus, la conception des systèmes, avec des logiciels de plus en plus cloisonnés, empêche même l’opérateur de répondre directement aux demandes des usagers. On assiste à une adaptation de l’usager aux besoins économiques de l’entreprise et non l’inverse. La puissance de ces systèmes pourrait amé- liorer le service public en l’adaptant aux besoins des citoyens. Cette tendance est bien illustrée par les transports. Plutôt qu’utiliser les ressources du big data pour ajuster les horaires, on supprime des trains s’il y a peu d’usagers.

IN : Pour obtenir leur labellisation, les espaces France services doivent former leur personnel, assurer le relais avec un nombre minimum d’administrations… Est-ce suffisant?

M.J. : Pour garantir un véritable accès au service public, il faut augmenter le niveau de compétences et les effectifs, éviter par exemple de déplacer des salariés de La Poste vers des guichets France services en appauvrissant le guichet postal. Il faudrait de vrais agents, des professionnels pour s’attaquer à des dossiers souvent très complexes. Il faudrait que l’agent France services soit en lien direct avec celui qui gère le dossier aux impôts, à Pôle emploi ou ailleurs. À Convergence, nous ne sommes pas a priori hostiles à des guichets uniques. Des tentatives de regrouper les services publics en un même point ont existé, notamment dans les villes, avec la présence d’agents de tous les services publics. De cette manière, l’usager peut trouver des réponses.

 

IN : Les mobilisations citoyennes portent-elles des alternatives ?

M.J. : Des résistances se manifestent un peu partout, des collectifs se mettent en place. Les Français sont attachés à leurs services publics. Un sondage récent a montré qu’une majorité d’entre eux estiment que le service public doit être géré par des agents à statut. On sait également que l’absence de services publics dans certains territoires a été l’un des ferments de la mobilisation des gilets jaunes. Là où l’on a pu créer des collectifs, les luttes se pour- suivent. Et quand la mobilisation est forte, généralement, l’État fait machine arrière. Le problème est que comme l’enveloppe globale n’augmente pas, si un service est maintenu à un endroit grâce à une mobilisation, un autre fermera ailleurs. On l’a vu avec la crise sanitaire, les succès obtenus pour sauver des services d’urgence n’a pas empêché la casse de l’hôpital de se poursuivre. D’où la nécessité de créer un rapport de force global, d’une mobilisation nationale et de faire converger les mobilisations.

 

 

IN MAGAZINE • NOVEMBRE-DÉCEMBRE • 11

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